[Renaliste] HAS - Hau Secours suite

Etienne ROBIN e.robin at ch-moulins-yzeure.fr
Ven 30 Mar 22:12:59 CEST 2012


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Merci, Pascal, de souligner que l'enquête COMPAQ qui nous pend au nez, comme tu dis, pose problème. 

Je suis complètement de ton avis, à une nuance près : il me semble que cette enquête n'est pas principalement lancée dans un but épidémiologique. Elle ressemble plutôt à un outil pour évaluer, surveiller, publier (et sanctionner) la qualité de nos pratiques, ou plus exactement les items censés refléter cette qualité. 

La reflètent-ils vraiment? On peut en douter, et c'est un premier problème. 

Nous manquons cruellement de temps pour faire en sorte que dans nos centres tout soit optimal, à tout moment, pour tous nos malades. C'est même un objectif inatteignable. 

On voit bien qu'il y a des centres qui sont excellents en matière de "gestion" de fistule, d'autres en matière de quantification de la dialyse, d'autres dans le domaine de l'attention portée à la qualité de vie quotidienne des patients. 

Il y a des néphrologues obsessionnels de la cible d'hémoglobine, d'autres de la cible de phosphorémie, et d'autres encore de la vitamine D. 

Il y a des équipes qui mettent leur énergie dans l'éducation thérapeutique, et d'autres qui passent des heures à communiquer avec les généralistes pour que les polytraitements de nos dialysés ne soient pas trop incohérents.  

Il y a des obsédés du poids sec idéal, des acharnés à inscrire le plus de candidats possibles sur la liste de greffe, d'autres encore qui font pédaler leurs malades en milieu de séance, et puis encore d'autres qui s'épuisent à corriger l'insidieuse sarcopénie, et dans chacun de ces quatre groupes, on est persuadé de s'investir dans la direction qui est essentielle au bien-être à long terme du patient.  

Certains s'échinent à développer l'HDF car rien ne saurait égaler les échanges convectifs, d'autres se ruinent la santé pour convaincre leurs patients que rien ne vaut la dialyse longue, tandis que d'autres encore, il n'y a pas si longtemps, ont passé un temps fou à miser sur le dialysat ultrapur. Et les uns comme les autres sont convaincus d'oeuvrer pour l'élément majeur de la qualité. 

Etc. etc. 

Mais trouvez-moi une équipe qui fasse tout comme il faudrait... 

Je crois que c'est plus facile de trouver des équipes qui s'efforcent d'être attentives à un peu tout, tant bien que mal. Et qui y parviennent moins bien chaque fois que leur tombe dessus une initiative du type Compaq, tellement fastidieuse, paperassière et chronophage, qu'elle leur fait abandonner momentanément leurs malades. En d'autres termes, une étude censée étudier la qualité, et être un stimulant pour l'améliorer, a toutes chances en réalité de l'amoindrir, volens nolens comme on dit sur France Culture. 

Je ne dis pas que les enquêtes de qualité ne sont pas bonnes en elles-mêmes. Je dis que dans le contexte actuel (qui n'est pas près de s'améliorer) où les équipes de néphrologues sont clairsemées, vieillissantes, constamment au galop et au taquet, les responsables qui imaginent que nous pouvons passer des jours à nous former aux outils de recueil (logiciels Lotas et Qualhas, qui riment avec des mots pas sympathiques), puis encore des jours à saisir et transmettre les données, vivent sur une planète où on n'a pas la même notion du réel que nous. 

Mais ce n'est pas une découverte. Un collègue (non néphrologue) me disait que bientôt, il passerait davantage de temps à indiquer quels soins il dispense, que de temps à dispenser ces soins. C'est aussi ce qu'on a entendu naguère à Paris, à l'occasion d'HPST je crois (?), dans les assemblées générales des médecins AP-HP où même les mandarins exprimaient leur lassitude d'avoir, depuis plusieurs années, passé leur temps à des réunions qui dissèquent et réforment tout en n'améliorant pas grand-chose. 

Autre remarque : si on nous dit que Compaq est destiné à évaluer la qualité, pour la faire connaître aux usagers qui en ont bien le droit, et pour l'améliorer, je crois qu'on est en droit de sourire : l'expérience montre que quand on a le souci de faire savoir qu'on est performant, on n'est, de fait, pas très éloigné de la tromperie. Il n'y a qu'à voir avec quelle fermeté, lors des visites d'accréditation, nous sommes sommés de ne pas laisser voir nos insuffisances (pardon : nos marges de progression, en langage politiquement correct). On nous enjoint même à mots couverts de consommer les hectolitres de S.H.A. règlementairement attribués, quitte à les vider dans le lavabo. 

Tout critère de qualité qu'on promeut au grade d'indicateur de qualité cesse d'être un moyen de soigner correctement, et devient très vite une fin pour obtenir une bonne note, et avec celle-ci les picaillons dont on récompense les bons élèves, plus exactement les élèves bien notés. Un jour peut-être, ce sera le cas du Kt/V. 

Qu'est-ce qui produit vraiment un surcroît de qualité? Les démarches-qualité entreprises par les non-soignants, ou le désir de bien faire, l'intense désir de bien faire, qui est la motivation de la plupart des soignants (quand on ne le décourage pas)? 

Compaq procède sûrement d'une bonne intention, mais me paraît inopportun, néfaste dans l'immédiat, potentiellement mystificateur, sûrement coûteux. 

Si on avait du temps, de l'argent et du personnel, entièrement d'accord. Mais dans le contexte actuel, qu'on accepte cela alors qu'on a bien mieux à faire, ce n'est pas bon signe pour ce qu'est en train de devenir la médecine 

Amitiés 

E. Robin 

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Pascal BINDI <pbindi at ch-verdun.fr> a écrit:

> Message de la liste nephrologique francophone RENALISTE
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> Bonjour à tous,
> J'ai évoqué récemment l'enquête COMPAQ qui nous pend au nez, quel que 
> soit notre excercice, et certains d'entre vous ont donné un avis sans 
> appel sur la multiplication de ces paperasses. J'ai donc écrit à 
> notre président Maurice Laville qui est conscient de l'incohérence 
> des approches épidémiologiques actuelles et s'apprête à en saisir le 
> bureau de la Société.
> Pour transformer l'essai de manière positive, et sans vouloir faire 
> de RENALISTE la tribune d'un « printemps de la néphro », je vous 
> propose ces quelques réflexions et suggestions :
>
>  *   Nous sommes tous persuadés de la nécessité d'un registre 
> épidémiologique dans notre pays. REIN remplit ce rôle.
>  *   Actuellement REIN est le seul outil qui remplit les critères de 
> qualité de base pour la saisie des données, avec en particulier 
> l'intervention d'ARC. Ceci n'est pas le cas des enquêtes 
> administratives qu'on nous demande de remplir à l'arraché et sans 
> système d'évaluation.
>  *   REIN est aujourd'hui largement sous-utilisé, notamment par les 
> tutelles qui pour certaines ne savent même pas que ce registre existe.
>  *   Convaincus qu'on nous demandera de plus en plus de comptes sur 
> nos pratiques, il paraît plus logique d'ajouter quelques items au 
> registre et de s'en tenir à une source unique d'informations, de 
> surcroît validée, et contrôlable par les professionnels de terrain.
>
> Je précise que ces réflexions sont purement personnelles et que je ne 
> suis chargé d'aucune mission. Elles viennent de quelqu'un qui, comme 
> vous, a les deux avant-bras dans la pâte et qui ne se voit pas passer 
> d'autres week-ends à remplir des formulaires. J'attends vos critiques 
> et suggestions et suis prêt à les faire remonter au bureau de la 
> Société, qui est à mon avis l'instance qui doit se saisir de ce 
> problème. Merci de vos réponses.
> Amicalement.

> P Bindi

>


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