[Renaliste] Rappel sur endotoxine bacterienne

Christian Verger c.verger at wanadoo.fr
Jeu 20 Jan 20:14:14 CET 2011


Cher José,

Je suis obligé de répondre un peu longuement à ton message pour être certain de lever toute ambiguité.

J'étais aux Séminaires d'Uro Néphrologie aujourdh'ui et plusieurs collègues m'ont parlé de ton mail que je découvre ce soir et ne le comprenaient pas très bien, tout comme moi, ni s'il avait un rapport avec mon message précédent auquel tu sembles répondre.

Certains n'ayant pas eu le temps de lire ce qui avait été communiqué par les laboratoires et par l'AFSSAPS ou n'ayant pas accès à RENALISTE, nous contactaient pour demander s'il le problème récent sur les poches Baxter était infectieux ou chimique et demandaient ce qu'était une endotoxine. Je viens de relire mon messsage,  à part une ou deux fautes de frappe dont je suis coutumier sur un clavier, je ne vois rien à y ajouter; il me paraît de nouveau clair. Peut être l' as tu lu un peu rapidement.

Je réponds maintenant aux deux paragraphe de ton mail:

Paragraphe 1 :  j'ai du manquer un message car je ne sais pas de quel cas de péritonite tu parles.  Si je comprends bien tu as eu une péritonite sévère qui avait toutes les caractéristiques d'une péritonite septique et tu n'as pas trouvé de germe. C'est une expérience que nous connaissons tous et qui pose toujours problème. Dans le RDPLF le taux habituel est d'environ 18 %, variable d'une région à l'autre (je pourrai te donner en privé le pourcentage dans les DOM TOM si tu veux). Les DOQI estiment qu'il ne faut pas avoir plus de 20 %. En d'autres terme, en dessous de 20 % on ne sait pas si le pourcentage de cultures négatives est lié à une origine chimique (anomalie ponctuelle du du produit utilisé, ou terrain atopique) ou problème de prélèvement ou difficultés du laboratoire de bactériologie. Ce dernier point joue probablement un rôle notable compte tenu des variations importantes observées parfois d'un centre à l'autre. D'où la recommandation des DOQI de ne pas admettre en temps ordinaire un taux de culture négative supérieur à 20 % et de vérifier alors les procédures de prélèvement et de cultures.

Tu sembles mettre en doute le bien fondé de l'antibiothérapie probabiliste. Je pense que c'est une discussion qui reste ouverte et l'on peut accepter différentes opinions. Les recommandations actuelles ont des niveaux de preuve faible et sont souvent uniquement avis d'experts sans études prospectives randomisées. Néanmoins elles ont l'avantage d'être au minimum un guide de réflexion pour ceux qui ne savent pas quelle attitude prendre.  Je pense que le raisonnement (avis personnel) doit être un peu différent pour le péritoine et une autre infection. Lors d'une pneumopathie, pleurésie ou toute autre infection, attendre 48 ou 72 heures un résultat de culture et d'antibiogramme paraît logique car l'avenir du patient n'est habituellement pas en jeu de manière aigue et on peut espérer une cicatrisation complète. 

En dialyse péritonéale le problème est différent : d'emblée, du fait du lavage continue les défenses et le pouvoir opsonisant est diminué, de plus un  biofilm se forme rapdiment sur le cathéter très difficilement stérilisable, des germes se trappent dans des dépots de fibrine, la membrane peut rapidement s'altérer définitivement, la péritonite encapsulante est notre crainte à tous ; il ne faut pas perdre de temps et taper vite et fort d'emblée sans attendre, du moins est ce consensus assez général qui conduit à cette recommandation. Préserver la membrane avant tout et vite. Mais ce n'est qu'une recommandation et personne n'est obligé de la suivre.

Il faut savoir par ailleurs que le nombre de cas est resté semble-t-il faible et que la probabilité d'une péritonite septique est , et demeure,  beaucoup plus importante que celui d'une péritonite liée à la présence d'entoxine dans les poches, d'autant plus que leur nombre présent sur le marché ne fait évidemment que diminuer. Statistiquement le risque de germes étant élevé, le traitement antibiotique est licite.

Au niveau du RDPLF j'ai vérifié en France métropolitaine les taux de péritonites mois par mois depuis le début de l'année chez les patients sur poches Baxter et chez les patients des autres labo qui utilisent un adaptateur pour Nutrineal ou Extraneal. Il est compris entre un épisode tous les 30 mois et un épisode tous les 40 mois environ. Le pourcentage de péritonites dites aseptique est passé de 10 % environ en début d'année à  25 % en fin d'année. C'est une variation importante en pourcentage, mais c'est un nombre très bas rapporté au taux de péritonite.

Les cas ont été cliniquement, à ma connaissance du moins, et dans celui que j'ai eu sur Nutrineal, sans gravité (rien à voir avec la sévérité de ton cas) et de présentation très différente de ce qui avait été observé sur Icodextrine il y a quelques années : à l'époque il s'agissait non pas d'endotoxine, mais de proteoglycans résultat d'une contamination par gram positif du champ de Maïs qui était à l'origine de l'amidon, matiere première de l'icodextrine. L'épisode actuel n'a rien à voir et a concerné tous les solutés préparés à partir d'une cuve contaminée, pas seulement l'icodextrine (ce sont les informations que nous avons tous et qui sont du domaine public).

Il y a eu un consensus pour convenir que le risque de péritonite aseptique était actuellement beaucoup plus faible que celui qu'il  y aurait à changer brutalement les patients de matériel utlisé compte tenu de l'impossibilité de les reformer en un temps très court. Il était évident par contre que l'on devait exiger l'arrêt de production des poches suspectes : nous n'avons pas eu à l'exiger, le laboratoire a pris la décision d'emblée, de telle sorte que le problème n'est pas infectieux, ni même probablement toxique, mais qu'il est celui d'une difficulté d'approvisionnement qui nous met tous dans l'embarras pour les patients hyperpermeables et insuffisants cardiaques. Peut être faudra - t- il en transférer, si c'est possible, certains en hémodialyse s'ils ne sont pas approvisionnés. Mais avec la discipline de chacun pour ne pas prescrire trop facilement l'icodextrine, on devrait pouvoir l'éviter.

Paragraphe 2 : 
> On comprend la volonté de calmer 
> le jeu du labo et du registre, mais les collègues qui ont en charge les 
> patients ont droit à une information objective.

Cette partie de ton message me semble plutot maladroite et si l'âge ne m'avait pas rendu plus paisible, je pense que l'échange aurait tourné à l'engueulade...
Mettons le sur le compte de la maladresse et de ton caractère provoquant que je connais bien mais qui n'a jamais réussi à briser notre amitié.

Soyons clair cependant, l'amalgame Registre (je suppose que tu parles du RDPLF) laboratoire est un peu désagréable. Chacun sait que lorsqu'on détecte une anomalie nous la déclarons systématiquement au laboratoire et à l'AFFSSAPS.  Ce fut le cas pour les anciennes péritonites à protéoglycans de l'icodextrine, pour un moment les adaptateurs Fresenius, pour un autre moment la machine Serena de Gambro, A chaque fois les laboratoires nous ont laissé une totale autonomie et notre conduite était vérifiée par la Commission des Bonne Pratiques. Par contre nous avons toujours un retard sur la détection de ces cas, lié au fait que les centres ne se mettent pas à jour en temps réel et ont parfois plusieurs mois de retard. Le RDPLF n'a strictement aucun intéret à "calmer le jeu", ça n'a pas de sens, faire cela le décrédibiliserait immédiatement car serait immédiatement visible. C'est une remarque au moins désobligeante si pas maladroite.  Je  pense pas non plus qu'aucun laboratoire d'organe artificiel, DP ou HD joue ce jeu.Remarquons par ailleurs que le temps de réactions des laboratoires d'organes artificiels lors d'effets secondaires est souvent beaucoup plus rapide que celui de l'industrie pharmaceutique qui a probablement plus de difficulté à avoir rapidement une information fiable des utilisateurs plus dispersés et nombreux que nos spécialité. 

Il ne faudrait pas, en raison de la médiatisation actuelle de certains médicaments, jeter la suspicion sur tous les protagonistes de santé : sans être naïf pour autant, il faut reconnaître qu'il y a plus de gens honnêtes que le contraire heureusement.

J'ai été contacté par l'agence européenne (EMEA) et participé à une conférence téléphonique il y a deux jours : comme j'avais été consultant Baxter il y a trois ans, fait quelques travaux avec Fresenius et également avec Gambro, je n'étais pas autorisé à participer, seulement à écouter. J'ai trouvé cela normal et d'autant mieux que cela démontrait l'importance qu'ils donnaient à l'absence de conflit d'interet. Ce n'est pas à moi de rapporter ici ce qui s'est dit, mais je peux dire que la transparence était totale et vérifiée et que le laboratoire a répondu à toutes les questions de l'EMEA. A ses experts de décider s'il y a des mesures à prendre et s'ils sont satisfait des réponses (je n'en fais pas partie). 

Mais sans indiscrétion je peux de confirmer qu'il n'a été question que du risque d'endotoxine dont l'origine est bien identifiée, qu'aucun risque septique réel n'a été soulevé, que toutes les poches livrées maintenant proviennent de sites de productions non suspects.

Je ne vois pas quelle transparence supplémentaire tu demandes.

Je suis désolé de ce très long message, mais je pense que le ton de ton message demandait une réponse détaillée pour éviter toute mauvaise interprétation.

Le meilleur moyen en tout cas que le RDPLF fournisse une information faible est rapide, est que chacun qui y participe se mette à jour à temps réel. 

Bien amicalement et merci par ton intervention d'avoir permis cette clarification.

Christian Verger


Le 20 janv. 2011 à 05:43, José GUISERIX a écrit :

> Bonjour,
> 1. La consigne ayant je crois été donné par une CAT d'une antibiothérapie 
> standard, le patient qui s'est présenté avec péritonite purulente brutale et 
> bruyante (fièvre, douleurs abdominales, diarrhées), avec clarification 
> rapide, pas de germe au direct ni en culture (ARN16S en cours) a donc 
> continué de recevoir des antibiotiques probababilistes dont la nature est 
> discutée chaque année avec le CLIN et les infectiologues en fonction de la 
> faune la plus souvent rencontrée.
> Pour ma part je n'en voyais guère l'intérêt, mais il est vrai que c'est un 
> récidiviste de péritonite aseptique.
> Peut-être clarifier l'algorithme?
> 2. On peut avoir des péritonites bactériennes peu bruyantes (germes 
> atypiques) et le cas que nous avons vu était très bruyant: la clinique ne 
> saurait constituer un critère discriminant. On comprend la volonté de calmer 
> le jeu du labo et du registre, mais les collègues qui ont en charge les 
> patients ont droit à une information objective.
> Amitiés,
> José




Plus d'informations sur la liste de diffusion Renaliste