[Renaliste] DP et ascite canc é reuse

Pierre-Yves Durand py.durand at chu-nancy.fr
Lun 21 Mai 16:24:38 CEST 2007


Le 21/05/2007 8:49, « NEFTI Hamid » <hanefti at ch-macon.fr> a écrit :

> Nous l'avons fait pour un patient atteint de cirrhose hépâtique évoluée,
> avec ascite permanente, nécessitant des ponctions évacuatrices itératives.




Chers Amis,
Voici une analyse exhaustive de la littérature (ci-dessous) concernant
l'utilisation de la DP chez le cirrhotique décompensé.
Pierre-Yves Durand
NANCY



Ne sont pas décrites les quelques séries publiées avant 1980, dont la plus
grande (succédant à celle de Ring-Larsen et al. {Ring-Larsen 1973}, puis de
Jacobson et al. {Jacobson 1973} ) est celle de Wilkinson et al. {Wilkinson
1977} qui concernait 18 cirrhotiques traités par DP. Ces patients
présentaient tous une hépatopathie aiguë compliquée d¹une encéphalopathie.
Aucun ne survécut. Les séries plus récentes concernaient des hépatopathies
généralement chroniques avec ascite incontrôlable.

 
Korzets et al. {Korzets 1989} ont relaté le cas original d¹une patiente de
26 ans présentant une volumineuse ascite de 8 litres, incontrôlable en HD.
Il s¹agissait d¹une ascite néphrogénique apparue en 1988, après échec de
deux transplantations rénales réalisées depuis 1980, année de sa mise en
dialyse. La patiente fut transférée en DP avec des résultats spectaculaires
en termes de qualité de vie perçue et d¹amélioration clinique. L¹état
nutritionnel s¹est amélioré de manière spectaculaire, le poids sec passant
de 37 à 46 kg. Les pertes protéiques dialytiques, initialement à 50 g/j, ont
diminué spontanément avec la poursuite de la DP pour atteindre 9 g/j en
l¹espace de 4 mois.

Poulos et al. {Poulos 1993} ont rapporté 2 cas d¹utilisation de la DP de
façon transitoire pour traiter une IRCT associée à une volumineuse ascite.
Le premier cas concernait une cirrhose éthylique avec ascite de 20 litres,
le second une ascite de 10 litres sur hépatopathie aiguë faisant suite à une
gastroplastie de réduction dans le cadre d¹un traitement amaigrissant pour
obésité morbide. Ces deux personnes avaient épuisé tout traitement médical
pour l¹ascite, aboutissant à un état clinique dramatique en termes de
dénutrition et d¹état général. La DP permit une amélioration spectaculaire
dans les deux cas. À noter que les auteurs n¹ont pas essayé l¹HD.

 

Bajo et al. {Bajo 1994} ont publié une série de 5 insuffisants rénaux
chroniques ayant une ascite cirrhotique. Trois d¹entre eux ont été
réorientés de l¹HD vers la DP en raison d¹une mauvaise tolérance
hémodynamique des séances. La DP permit, là encore, une amélioration
spectaculaire. En quelques semaines, l¹albuminémie a augmenté de façon
inversement proportionnelle à la diminution des pertes protéiques
dialytiques qui étaient importantes au départ. Les auteurs notaient que le
transport péritonéal de ces patients était généralement « high-average » et
que l¹utilisation de solutés hypertoniques n¹était pas nécessaire. Le taux
de péritonites (à germes gram négatifs) était plus élevé (1 épisode/9
mois/patient) que dans leur population de patients en DP (1 épisode/24
mois/patient) (p non disponible). Trois de ces patients, traités par DP,
devaient cependant décéder après 8, 14 et 16 mois de traitement, d¹une cause
non liée à la technique (carcinome rénal, hémorragie cérébrale et
encéphalopathie hépatique).

 

Duranay et al. {Duranay 1996} ont publié une série de 5 insuffisants rénaux
chroniques hémodialysés présentant une ascite néphrogénique. Ces patients
ont été transférés en DP. L¹amélioration fut spectaculaire, mais la DP dut
être interrompue chez 2 patients en raison d¹infections péritonéales à
répétition (devenir inconnu). Les 3 autres patients poursuivirent leur
traitement par DP au long cours. Les auteurs relevaient les mêmes
caractéristiques que dans les études précédentes : un transport péritonéal
plutôt rapide, des pertes protidiques dialytiques importantes au début (30
g/l) se tarissant par la suite.

 

Selgas et al. {Selgas 1996} ont rapporté une série de 6 insuffisants rénaux
chroniques avec ascite cirrhotique. Trois furent réorientés de l¹HD vers la
DP en raison d¹une mauvaise tolérance hémodynamique (paramètres d¹HD non
disponibles). La DP fut menée avec succès à long terme (8 à 66 mois). Les
mêmes caractéristiques étaient retrouvées : des pertes protéiques
importantes au début du traitement (> 30g/j), diminuant rapidement pour se
stabiliser < 10 g/j ; un transport péritonéal plutôt élevé, mais un taux
d¹infections péritonéales plus élevé que pour les autres patients en DP (p
non disponible).

 

Marcus et al. {Marcus 1992} ont publié une série de 9 insuffisants rénaux
chroniques avec ascite cirrhotique traités par DP au long cours. Les
résultats étaient très bons, avec des survies en DP de 8 ans chez un
patient, 4 ans chez un autre, médiane 2 ans pour l¹ensemble. L¹albuminémie
restait stable sauf chez un patient pour lequel une baisse de 5 g/l fut
observée. Trois décès furent recensés, secondaires à l¹évolution de
l¹hépatopathie. Chez ces patients les mêmes caractéristiques péritonéales
étaient notées : transport péritonéal rapide et solutés hypertoniques non
nécessaires. Le taux d¹infections péritonéales était, ici aussi, élevé (1
épisode/14 mois-patients).

 

De Vecchi et al. {De Vecchi 2004} ont publié une étude cas-témoins comparant
les données rétrospectives de 21 patients cirrhotiques traités par DP,
comparés à 41 contrôles non cirrhotiques traités par DP, appariés par l¹âge,
le sex ratio et la durée de suivi en DP. Parmi les 21 patients cirrhotiques,
12 avaient une ascite mais les auteurs n¹individualisèrent pas ce groupe. La
survie-patients et la survie-technique à 5 ans était similaire dans les 2
groupes. Dans le groupe « cirrhose », 6 patients décédèrent des
complications de l¹hépatopathie. Le taux des péritonites n¹était pas
significativement différent entre les 2 groupes.

 

Durand et al. {Durand 1997} ont publié une série multicentrique de 15
insuffisants rénaux chroniques avec ascite cirrhotique incontrôlable
(cirrhose éthylique dans 6 cas, post-hépatitique dans 7 cas, toxique dans 1
cas et amyloïdosique dans 1 cas). Le stade de Child-Pugh était B ou
supérieur, avec un score supérieur à 9. Cinq de ces patients avaient des
antécédents d¹hémorragie digestive massive sur rupture de varices
oesophagiennes. L¹évolution fut particulièrement bonne avec une survie
moyenne de 4,6 ans, et jusqu¹à 14 années de DP ininterrompue sans récidive
des hémorragies digestives. Les décès enregistrés (n = 8) n¹étaient pas liés
à la dialyse ou à l¹insuffisance rénale. Le taux moyen des infections
péritonéales était 1/19 mois-patients et les caractéristiques péritonéales
de ces patients étaient retrouvées : transport péritonéal élevé, faible
besoin en solutés hypertoniques.

  
     Synthèse
Ces 8 séries et études de cas cliniques concernent un petit nombre de
patients, mais les constatations et les analyses convergent. La survie de
ces patients est bonne, et la mise en route de la DP coïncide avec une
amélioration clinique souvent décrite comme spectaculaire. Il n¹y a pas de
problèmes particuliers concernant l¹état nutritionnel ou l¹albuminémie. Les
pertes protidiques péritonéales sont décrites comme étant élevées en début
de traitement (30 à 50 g/j selon les études) se corrigeant spontanément en
quelques semaines pour atteindre des valeurs comparables aux autres patients
traités par DP. Ces patients semblent présenter un profil péritonéal
particulier, avec des tests fonctionnels identifiant le plus souvent un type
de transport élevé, situé dans les catégories « high-average  peritoneal
transport » ou « high peritoneal transport » selon le Peritoneal
Equilibration Test {Twardowski 1987}.

Les patients cirrhotiques transférés de l¹HD vers la DP en raison d¹une
instabilité hémodynamique secondaire à l¹hypovolémie ont montré, d¹après la
littérature analysée, une amélioration spectaculaire de leur état général.

Il faut noter cependant le champ restreint des indications concernant les
cas décrits. Tous les patients avaient une IRC pré-existante à l¹ascite
cirrhotique et la DP a été choisie en alternative à l¹HD. Par ailleurs, la
majorité de ces études concernent des hépatopathies chroniques. En ce qui
concerne les hépatopathies aiguës ou celles compliquées d¹encéphalopathie
traitées par DP, le pronostic est décrit comme constamment mauvais du fait
de la pathologie sous-jacente {Wilkinson 1977}{Mactier 1986}.

 

Aucune étude comparant DP et HD dans le traitement de la cirrhose
décompensée n¹est disponible. Cependant aucune étude montrant le succès de
l¹HD dans ce cas précis n¹est disponible. La DP chez le cirrhotique
ascitique a montré des résultats spectaculaires en termes de survie,
d¹amélioration de l¹état général et nutritionnel, dans des indications
précises :

-      hépatopathie chronique décompensée avec ascite mais sans
encéphalopathie ;

-      IRC préexistante associée nécessitant un traitement par épuration
extra-rénale.

 




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