[Renaliste] Dissociation FR et anti-CCP2 avec SN

DUSSOL Bertrand bertrand.dussol at mail.ap-hm.fr
Ven 13 Mar 07:34:49 CET 2009


Cher Amis

Bonjour,
Ce dossier est en effet très intéressant.
Tout d'abord, je crois qu'il faut confirmer la membrano-proliférative par la PBR.
Ensuite, il parait assez évident que cette cryoglobuline très abondante est responsable de la MPGN (si elle est confirmée). La question est donc : « Quelle est l'origine de la cryo ? » et celle qui en découle : « Peut-on traiter la cause? ».
Chez votre patient, il me parait indispensable, avant d'évoquer le VHC, d'éliminer un lymphome, qui est une étiologie non rare de cryoglobuline (Scanner TAP, Myélogramme, Typage lymphocytaire Sang+Moelle) ainsi qu'un LEAD et une infection bactérienne chronique persistant au niveau de son bras, surtout que la cryoglobuline est polyclonale.
Si vous ne retrouvez pas de lymphome, alors les antécédents de ce patient doivent nous faire discuter l'hépatite C comme vous le suggérez. En ce qui concerne la VHC, ce n'est pas parce que la sérologie est négative qu'il faut l'éliminer. Une équipe Espagnole (1) (2)a mis en évidence ce qu'elle appelle l'hépatite C « occulte », qui est la présence du virus dans les PBMC et les hépatocytes de malades ayant des anomalies inexpliquées du bilan hépatique. Ces patients ont une sérologie VHC négative, une PCR dans le sang négative et de l'ARN viral sens et anti-sens (ce qui signe la réplication du virus) dans les PBMC et les hépatocytes. Ce groupe espagnol a même publié récemment les mêmes résultats chez les patients dialysés avec une prévalence non négligeable (3). La remarque de votre biologiste est donc erronée. On peut avoir une PCR négative dans le plasma et être porteur du virus. Deux problèmes persistent cependant : cette équipe Espagnole est la seule à avoir ces résultats et il faut qu'ils soient confirmés par d'autres équipes ; on ne sait pas quelle est la signification de la présence de ce virus, ni sa pathogenicité/ transmissibilité.
Nous travaillons par ailleurs sur les cas de 3 patients qui ont une MPGN avec présence d'une cryoglobuline type II alors qu'ils ont guéri (spontanément ou après traitement) d'une hépatite C. Les questions que nous nous posons sont : Y a-t-il encore présence du virus de façon « occulte » ? Si non, y a-t-il un composant monoclonal B qui serait secondaire à l'infection des lymphocytes B par le VHC (4), qui se serait autonomisé et qui sécrète la cryoglobuline ? Ces questions sont très importantes, car elles guideront le traitement : Antiviral ou immunosuppresseur.
Toutes les PCR ultrasensibles que nous avons réalisées sur le sang, les PBMC, la moelle, le cryoprécipité sont NEGATIVES. Nous n'avons malheureusement pas pu accéder au tissu hépatique et rénal. En revanche, il existe bien un contingent B monoclonal, porteur du CD5 (classiquement plutôt marqueur lymphocytaire T...) qui semble sécréter la cryoglobuline et être responsable de la MPGN.
Il me semble donc indispensable de rechercher l'hépatite C chez votre malade, en faisant une PCR et non une recherche d'anticorps. Cette PCR doit être fait dans le cryoprécipité, mais surtout sur les PBMC (Ficoll, puis lyse des PBMC, puis PCR virale). Ca me semble fondamental, puisque certains lymphomes post VHC sont traités uniquement avec de interferon+ribavirine, on peut imaginer qu'une simple cryo peut l'être avec ce traitement antiviral. Si votre biologiste est toujours réticent, le Dr Halfon, laboratoire Alphabio à Marseille, pourra réaliser ces examens.
Cordialement.
Stanislas Bataille et Bertrand Dussol
(1)	Castillo et al., JID, 2004;189:7-14
(2)	Castillo et al., Gut, 2005;54:682-85
(3)	Barril et al., JASN 2009 ;19(12) :2248-50
(4)	Pham et al., World J gastroenterol, 2008 ;14(18):2789-93



-----Message d'origine-----
De : renaliste-bounces at nephrodial.org
[mailto:renaliste-bounces at nephrodial.org]De la part de Dilaver Erbilgin
Envoyé : mercredi 11 mars 2009 19:53
À : Liste de discussion des néphrologues francophones
Objet : [Renaliste] Dissociation FR et anti-CCP2 avec SN


Message de la liste nephrologique francophone RENALISTE
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Plaquiste salarié, 36 ans, s'est présenté à la consultation de  
médecine interne pour l'évaluation de raideur des doigts. Le médecin  
traitant a trouvé un titre élevé de facteur rhumatoïde.

Ses antécédents familiaux sont peu contributifs. Il n'a pas de  
descendant. Il a fait son service militaire en février 1992, sans  
qu'aucune anomalie biologique ait été signalée. Pas plus d'ailleurs  
que lors de son opération pour fracture-luxation du styloïde radiale  
droite en janvier 2003 (absence de données biologiques dans le  
dossier). C'est surtout l'épisode « phlegmon » des membres supérieurs  
survenu en mars 2007 qui intrigue. Les difficultés de préhension  
datent de cette époque. Elles ont été attribuées aux contraintes  
physiques inhérentes à sa profession.

Il s'agit d'un ancien toxicomane (éroïne, cocaïne, morphine). Sa  
dépendance est actuellement maitrisée par buprenorphine (SUBUTEX). La  
consommation d'alcool a été fortement réduite depuis 8 mois mais  
persiste. Le tabagisme est évalué à 22 années-paquet et franchement  
actif actuellement.

A l'interrogatoire le patient signale l'apparition d'un oedème péri- 
orbital matinal qui n'a pas duré très longtemps.

A l'examen clinique, le poids est de 79,8 kg pour 1,65 m. Le poids  
normal habituel est au maximum à 72 kg. La tension artérielle est de  
184/80 mmHg avec des pulsations régulières à 75 bpm. Le B2 est bien  
claqué au foyer pulmonaire. Il existe un reflux hépatojugulaire et des  
oedèmes dures prenant toutefois le godet au niveau des membres  
inférieurs mais aussi des mains.

La biologie fait état d'une insuffisance rénale avec filtration  
glomérulaire résiduelle selon MDRD4 à 40 ml/min/1.73 m2. Il n'y a pas  
d'hypercholestérolémie mais une importante hypo-albuminémie. L'anémie  
dysproportionnée au stade III d'IR est à mettre sur le compte du  
important syndrome inflammatoire. L'existence du facteur rhumatoïde à  
titre très élevé est confirmée mais il existe une dissociation avec  
les anti-CCP2 sans qu'il y ait des anticorps anti-HCV. Cette  
dissociation incite malgré la négativité de la sérologie HCV et HIV à  
rechercher les cryoglobulines qui reviennent très positives (la  
quantification en cours, le biologiste n'en avait jamais vu autant  
dans un tube de sérum). Il n'y a pas de pic monoclonal. Les auto- 
anticorps sont tous négatifs.

La protéinurie massive à 11.2g/1.73 m2 ce qui correspondrait 12.1 g/ 
24H dans son cas. Il y a une hématurie microscopique.

Où est le problème?

J'ai du mal à me résoudre au diagnostic d'une membrano-proloférative  
(biopsie prévue demain matin) idiopathique dans ce contexte de  
toxicomanie quand je sais qu'un traitement spécifique peut s'avérer  
salvateur. Or, un chaînon essentiel manque: HCV HBV ou HIV. Le labo  
refuse la recherche d'ARN viral dans le cryoprécipité (qui contient  
peut-être les anticorps anti HCV).

Le labo me dit s'il y en a dans le cryoprécipité, il devrait y en  
avoir dans le sérum. En pratique, ce serait rarement utile (From  
UpToDate: While candidate antigens have been detected in the  
cryoprecipitate (eg, hepatitis B or C) these viral proteins are  
typically present in serum as well. Assaying the CG for such antigens  
is seldom, if ever, clinically indicated) ce qui ne veut pas dire  
jamais. Il peut en effet s'agir d'un très faible taux de réplication  
capable d'entretenir la cryoglobulinémie.

Pensez-vous que je dois insister compte tenu des possibles retombées  
thérapeutiques? Ou, dois-je me résoudre à la "médecine comtemplative"?

Connaissez-vous des laboratoires d'immunologie de pointe qui me rendra  
ce service?

Merci

DE





  
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