[Renaliste] Comment réagir?

Etienne ROBIN e.robin at ch-moulins-yzeure.fr
Mar 2 Déc 11:56:09 CET 2008



   "Buvez davantage pour éliminer davantage": c'est vrai que cette  
affirmation simpliste est inexacte, qu'il s'agisse de "toxines" ou de  
médicaments.
Mais à mon avis, au-delà de l'inexactitude irritante qu'il constitue  
pour les physiologistes, ce message délivré au public est  
pragmatiquement utile: peut-être pas pour la totalité de la  
population, mais pour la majorité.

   En effet, la liste de nos malades qui boivent insuffisamment est  
longue: infections urinaires, lithiases, patients sous diurétiques,  
IEC et sartans.
On pourrait ajouter tous les non-malades qui nous sont envoyés en  
consultation pour Cockroft altéré, et dont la créatininémie  
"s'améliore" après avoir bu un litre et demi quotidien pendant 3  
jours... quand on obtient d'eux cet "exploit".

   Dans un hôpital, le néphrologue passe une grande partie de son  
temps à mener un combat (pathétique car c'est une cause perdue) contre  
la déshydratation des hospitalisés:
- trop de diurétiques donnés trop longtemps à tous les dyspnéiques,
- trop de désinvolture des aides-soignantes vis-à-vis du verre d'eau  
qui devrait faire partie du repas,
- trop de Lasilix systématique lors des transfusions "pour se mettre à  
l'abri de l'OAP",
- trop de "restrictions hydriques" là où c'est la restriction sodée  
qui serait pertinente,
- trop d'antibiotiques néphrotoxiques ou de produits iodés donnés à  
des patients lyophilisés par une semaine de maladies diverses...

   Il n'y a guère que les réanimateurs et les gériatres qui soient  
conscients de la nécessité d'une hydratation suffisante.C'est un  
bataillon insuffisant pour faire face à l'armée des cardiologues et  
urgentistes qui déferlent en face, brandissant leurs menaçantes  
seringues de Lasilix.

   Quand un malade prend des IEC, bien sûr que s'il boit beaucoup ça  
ne va pas augmenter l'élimination de son IEC. N'empêche que s'il boit  
peu, il arrivera aux urgences pour insuffisance rénale aiguë  
hyperkaliémique. C'est donc pas si infondé de dire à un tel malade  
qu'à cause du médicament qu'il prend, boire suffisamment ou beaucoup  
est une nécessité absolue. Que ce conseil ne concerne pas  
l'élimination stricto sensu dudit médicament, mais ses effets  
secondaires, quelle importance?

   Alors, pour une fois qu'un message de santé publique conseille de  
boire abondamment, je n'ai pas trop envie de discuter sa parfaite  
cohérence physiologique.
Si on m'objecte l'hyponatrémie, je répondrai ce que m'ont appris les  
grands maîtres de l'homéostasie "L'organisme préfère l'hyponatrémie à  
l'hypovolémie".
Mais dites-moi si j'ai tort d'être avant tout pragmatique...

   Etienne ROBIN, néphrologie, Moulins

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   Dilaver Erbilgin <dilaver.erbilgin at cocagne.com> a ?crit:

> Message de la liste nephrologique francophone RENALISTE
> ----------------------------------
>
> Avez-vous une idée ?
>
> Entendu à l'instant, sur une des chaînes publiques de télévision en
> France:
>
> "Avec l'âge on est toujours amené à prendre de plus en plus de
> médicaments. Mais vous devez savoir que les organes spécialisés à
> traiter et à éliminer, comme le foie et les reins, ces médicaments
> fonctionnent de moins en moins bien en vieillissant, aussi ces
> médicaments risquent-ils de s'accumuler dans votre organisme"
>
> Jusque là rien à dire! Mais la chute est scandaleuse:
>
> "Donc, pour les éliminer il faut boire beaucoup"
>
> Il s'agit d'une bande d'annonce officielle, et non de publicité.
>
> Ca se saurait si boire beaucoup permettait à épurer. Je suis confronté
> dans mon quotidien, tous les jours sans exception, à l'étonnement des
> malades adressés pour insuffisance rénale auxquels, on leur avait
> appris qu'il faut boire beaucoup si les reins ne fonctionnent pas
> bien. Evidemment si la télévison publique s'y met, j'ai encore moins
> de crédibilité avec mon accent d'immigré (immigration choisie par ma
> femme il y a vingt ans, je ne savais qu'elle œuvrait déjà pour le
> pouvoir actuel) en essayant de les ramener à la raison et à la
> modération.
>
> N'est-il pas le rôle de notre société savante de réagir à de telles
> inepties?
>
> DE




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